10è Printemps des Poètes : Poème du 16 mars




Poème du jour



Le 10e Printemps des Poètes se termine ce soir … Mais rien ne vous empêche de lire, dire, offrir de la poésie toute l'année !
Pour plus d'infos sur le Printemps des Poètes : http://www.printempsdespoetes.com/
Ci-dessous le dernier poème que nous vous adressons pour cette édition. À l'année prochaine !
Bon et beau dimanche à vous tous.


Je vous salue ma rue

je vous salue ma rue
pleine de grâce et de misère
enfants mendiants
joueurs de violon d’accordéon
SDF mal logés sans papier
femmes émiettées hommes cabossés
jeunes et vieilles prostituées
misère abandonnée
je sais ces semaines d’exil
affameuses du pain quotidien
et des grandes eaux claires de l’oubli
le puits est à des jours de marche
et le feu qui crépite
aux brassées de bois juste
ne fait lever qu’une moisson de coqs
je le sais je le sais je le sais
mais vous le savez-vous ?

je vous salue ma rue
pleine de larmes et de détresse
je sais les matin pâteux
les voitures muettes les chèques impayés
les rappels les interdits bancaires
je sais les enfants malades
les fuites d’eau et les éviers bouchés
la vie s’élime avant la déchirure
ne tirez pas dessus
je sais le père qui ne parle plus et le froid de la rue
je sais la honte les regards méprisants
je sais les abandons les coups les cris
le porte-monnaie vide
la main tendue de l’enfant pour l’école
chacun porte pourtant toute sa part de vivre
je le sais je le sais je le sais
mais vous le savez-vous ?

je vous salue ma rue
pleine de peine et de douleur
on le fait pas exprès et on n’a pas choisi
les paniers à la fin du marché
les poubelles gavées qui ont trop à manger
les absences au travail et le chef et ses cris
je le sais pas la force trop à faire trop loin
le cerveau prisonnier de toiles d’araignées
et les chiens qui aboient qui font peur
les barreaux dans la tête et les filles violées
les attentes aux guichets
les regards agacés
de ceux qui sont pressés
je le sais nous n’avons pas choisi le soleil s’est noyé
où trouver une prise au néant
je le sais je le sais je le sais
mais vous le savez-vous ?

je vous salue ma rue
pleine de rage et de noblesse
je sais la vie cachée à l’abri des volets
mais où aller avec quoi on irait
sans de quoi se montrer
je sais le PMU et les jeux à gratter
je sais les jalousies mais s’entraider aussi
quand on peut qu’on n’est pas fatigué on le fait
si les morts revenaient qu’auraient-ils à nous dire
y’a trop de jours fériés à nos calendriers
on fait du bruit chez nous
on n’ose pas le faire ailleurs
faudrait pourtant mais
on n’a pas appris on sait pas
comment faire alors on se tait
je le sais je le sais je le sais
mais vous le savez-vous ?

je vous salue ma rue
pleine de honte et de fierté
je sais les bus absents les grèves avortées
les métros qui débordent les papiers à montrer
je sais les majuscules ébréchées
je sais les doigts noircis aux châtaignes du temps
nos enfants au fond des poches
s’ils nous échappent
c’est qu’il y a trop de trous et davantage au fond
c’est ainsi que voulez-vous
je sais la honte et la fierté
je sais les vieux habits les tenues de travail
les cheveux négligés les portes refermées
je le sais je le sais je le sais
et vous le savez vous ?
regardez-moi
ça vous regarde

Francis Ricard
Poème inédit offert par l'auteur

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